Contribution des Alternatifs
30 mai 2010
La lutte contre le nucléaire, qu’il soit militaire ou supposé civil a toujours fait partie des fondamentaux du combat des Alternatifs. Depuis leur création en 1998, les Alternatifs sont donc adhérents du Réseau Sortir Du Nucléaire, et par conséquent signataires de la Charte fondatrice de ce Réseau.
Clé de voûte d’un système qui dépossède les citoyen-ne-s de leur capacité à l’autonomie, l’industrie nucléaire a depuis longtemps prouvé son incompatibilité structurelle avec de vrais choix démocratiques. Fondamentalement centralisatrice, cette industrie se drape en permanence dans le secret d’Etat. Ses installations et productions ont toujours été imposées sans concertation réelle, au mépris des règles élémentaires de santé publique et de démocratie locale, qui auraient quant à elles amené à privilégier des sources d’énergie plus propres, plus diversifiées, plus décentralisées et plus renouvelables.
Les déchets radioactifs produits par l’industrie atomique restent un inextricable problème pour les générations actuelles, mais aussi et surtout pour les générations à venir. L’extraction des minerais nécessaires (uranium, thorium…) pour la fission nucléaire se déroule dans des conditions indignes et viole les principes élémentaires des droits humains.
Avec sa multiplication d’événements météorologiques extrêmes (sécheresses, tsunamis, tempêtes…), le changement climatique ne fait qu’aggraver les périls liés à l’exploitation des centrales nucléaires, ainsi qu’au stockage des déchets radioactifs et des matières fissiles. Leur sûreté est en effet directement menacée par les canicules comme par les inondations. Les risques liés aux émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre ne peuvent donc en aucun cas reléguer au second plan ceux des irradiations et contaminations radioactives, qui ne connaissent pas elles non plus de frontières. Bien au contraire, les risques climatiques ne font qu’accroître l’urgence d’une sortie du nucléaire.
L’industrie électronucléaire a toujours été indissociable de l’industrie nucléaire militaire (naguère les réacteurs "civils" fournissaient du plutonium pour les bombes, aujourd’hui l’uranium dit appauvri, sous-produit encombrant de l’enrichissement du combustible "civil", est fourni à bas prix aux militaires pour fabriquer de nouvelles armes de destruction massive et des blindages radioactifs). Alors que la réduction du nombre d’armes nucléaires est officiellement à l’ordre du jour, la vente tous azimuts de centrales nucléaires à des fins prétendument pacifiques constitue le nouveau masque derrière lequel se dissimule la grave recrudescence de la prolifération de matières fissiles et radioactives stratégiques.
Aujourd’hui plus que jamais, proposer à de nouveaux pays, économiquement moins développés, des réacteurs électronucléaires relève de stratégies de domination néocoloniales : en créant une dépendance pour les approvisionnements technologiques et la formation des personnels, et en obligeant les Etats-clients à s’endetter lourdement auprès de banques occidentales, au profit de quelques multinationales mais au détriment des investissements qui seraient réellement bénéfiques aux populations.
Face à la volonté de relance aujourd’hui affichée par le lobby atomique ; au vu du vieillissement du parc nucléaire français et de la dégradation croissante de ses conditions matérielles, financières, sociales de maintenance ; instruits par l’expérience des fermetures de réacteurs sans cesse différées en Allemagne, en Belgique, en Espagne et dans les autres pays d’Europe où une sortie "progressive" du nucléaire avait été démocratiquement décidée, afficher haut et fort une volonté de sortie du nucléaire en France dans un délai maximal d’un ou deux quinquennats nous paraît désormais la seule option politique raisonnable et responsable.
Pour toutes ces raisons, les Alternatifs sont résolus à poursuivre et à intensifier leur engagement dans la lutte antinucléaire.
Cependant, la crise que traverse malheureusement le Réseau Sortir du nucléaire nous impose de repréciser aujourd’hui les conditions politiques auxquelles les Alternatifs peuvent envisager de continuer à être parties prenantes de cette fédération. Ces conditions sont notamment :
- Une réaffirmation de l’attachement au texte de la Charte du Réseau Sortir du nucléaire comme fondement essentiel de notre fédération, sans négliger la nécessaire prise en compte du caractère historiquement daté de ce texte.
- Un positionnement clair sur les durées maximales d’exploitation tolérables, du point de vue du Réseau Sortir du nucléaire, pour les réacteurs nucléaires existants, et sur les délais acceptables de sortie du nucléaire qui peuvent s’en déduire.
- La réaffirmation/renforcement de la primauté des adhérents et militants bénévoles dans la définition des orientations et priorités stratégiques de la fédération qu’est le Réseau Sortir du nucléaire ; le refus de toute dérive vers une institutionalisation/technocratisation qui amènerait à déléguer la "direction" de la lutte à des "experts" ou des professionnels rémunérés.
Par ailleurs, tout chantier de "refondation" éventuel du Réseau Sortir du nucléaire nous semble devoir impérativement aller dans le sens :
- d’une transversalité accrue des échanges et coopérations entre groupes signataires ou adhérents ;
- d’un rééquilibrage du budget entre la part affectée aux salaires et charges fixes et la part affectée aux actions ;
- d’une meilleure intégration des donataires dans le fonctionnement démocratique du Réseau, en leur offrant notamment la possibilité de choisir l’affectation de leurs dons à des actions ou des thèmes précis ;
- d’un recadrage du rôle et de la place, des salarié-e-s d’une part (et notamment du DRH), des élus au CA d’autre part, ainsi que des éventuels porte-parole, au sein du Réseau Sortir du nucléaire, en vue de mieux garantir le caractère démocratique et la transparence des prises de décision et de leur application ;
- d’une clarification du rôle, des droits et des devoirs des différentes composantes du Réseau (signataires/adhérents ; mouvements politiques/associations ; fédérations nationales/branches locales ; groupes "généralistes"/organisations spécifiquement antinucléaires, etc.)
- d’une reprise en main par les militants bénévoles de la maîtrise des outils stratégiques de communication (revue, "boutique", communiqués et publications diverses, visuels, listes de discussion par mail…)
Par ailleurs, tout débat serein sur ces questions nous paraît nécessiter comme préalables :
- l’abandon de la plainte déposée suite à la diffusion large sur les listes d’une lettre cosignée par d’anciens administrateurs et administratrices ;
- la réintégration de plein droit du militant Stéphane Lhomme au sein du Réseau Sortir du nucléaire.
Les associations fédérées au sein du Réseau lui donnent sa force, son originalité. Elles sont responsables de sa vitalité et de sa pertinence, comme de ses potentiels conflits internes.
La lutte contre l’industrie nucléaire demande l’union de toutes les forces écologistes antinucléaires. Aussi, les conflits internes doivent-ils être désamorcés rapidement afin de nous concentrer sur notre intérêt commun : la sortie définitive et rapide de l’ère de l’électricité nucléaire.
Si jamais il s’avérait que la louable volonté d’ouverture large vers l’extérieur affichée par l’actuelle équipe dirigeante du Réseau Sortir du nucléaire doive dans la pratique s’opérer au détriment de ses fondamentaux et de la spécificité incluse dans son intitulé, les Alternatifs seraient contraints de réexaminer leur engagement au sein du Réseau Sortir du nucléaire, et d’envisager de soutenir, à côté ou à la place, des coordinations et regroupements antinucléaires aux modes de fonctionnement et orientations fidèles aux principes de la Charte fondatrice du Réseau sortir du nucléaire.