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Avertissement : Cette contribution de deux camarades des Alpes-maritimes ne reflète pas la position de la Fédération des Alternatifs de l'Ardèche et de la Drôme au sein de laquelle le débat n'est pas encore engagé. Nous la publions pour susciter les échanges et la réflexion.

 

La vie politique ne se réduit pas à l'élection présidentielle même si, aujourd'hui, elle est en partie structurée par elle. Les formidables révolutions arabes ne sont certes pas transposables mais sont un encouragement à s'opposer dans la rue aux classes dominantes des pays riches. Néanmoins, la candidature de Jean Luc Mélenchon à l'élection présidentielle, parce qu'elle semble recueillir l'assentiment de milieux militants partie prenante ou proches de la gauche alternative, appelle une réaction de notre part.

    

Annoncée avec fracas à l'automne 2010, elle ne décolle pas dans les sondages qui se sont multipliés depuis le début de l'année. Auto-présentée comme une candidature de rassemblement, et largement médiatisée, elle aurait du confirmer cette prétention en commençant par distancer nettement toute autre candidature à la gauche du PS dans les sondages. Il se trouve que ce n'est absolument pas le cas.


Sans accorder plus d'importance que cela à ces sondages -qui nous délivrent par ailleurs un message autrement plus important en confirmant la remontée de l'extrême-droite révélée par les élections cantonales, que pour notre part nous prenons très au sérieux, mais c'est une autre question-, ils indiquent qu'il y a bien un problème : la candidature Mélenchon n'est pas une candidature de rassemblement.

En ce qui nous concerne, nous le pensions dès l'annonce de cette candidature et nous voudrions dire ici pourquoi, sans cacher notre étonnement devant le fait que ce sentiment pourtant assez partagé ait été peu exprimé, tout au moins à notre connaissance, dans la gauche alternative. Commençons par préciser que nous sommes favorables, comme nous l'étions déjà depuis la campagne du « Non de gauche » au TCE en 2005 et notamment aux présidentielles de 2007, à une candidature de rassemblement aux prochaines présidentielles. Mais encore faut-il s'entendre sur le terme de rassemblement et sur son périmètre. Sur ce dernier point, pas de problème : il doit aller jusqu'à l'ensemble des courants de ce qu'on appelait la « gauche antilibérale » et que nous préférons appeler de manière plus offensive « gauche de transformation sociale et écologiste ». Le PG y a donc toute sa place et nous nous sommes réjouis du départ du PS de Mélenchon et de ses amis en 2009.  Ce rassemblement concerne les autres forces aujourd'hui partie prenante du Front de Gauche, de même que la gauche alternative, les écologistes radicaux, les objecteurs de croissance et le NPA, quelles que soient les divergences stratégiques et programmatiques entre les unes et les autres et, bien sûr, les militant-e-s du mouvement social et les altermondialistes souvent soucieux-ses de la construction d'une perspective politique porteuse de nouveaux espoirs.


 1 - L'auto-proclamation n'est pas le réel


Commençons par le commencement : La candidature Mélenchon n'est pas une candidature d'unité et de rassemblement. Pour cela, il faudrait que le FdG - à défaut le PG - s'adresse à tous les courants de la gauche de gauche et de l'écologie radicale, afin qu'ils mettent en route le partage d'une méthode et d'une conception globale pour constituer un fonds commun et un programme réellement partagé. Nous n'avions pas accepté de la part du PCF la politique du fait accompli de la fin 2006 dans les collectifs antilibéraux : pourquoi accepter une candidature auto-proclamée de la part du PG en 2011 ?


Nous n'avons pas à exiger que le ou la candidate représentant "l'autre gauche" reprenne l'intégralité du "programme rouge et vert" ( solidarités, féminisme, écologie, autogestion). Néanmoins, il ne peut s'agir d'une simple candidature-e « anti-libérale », en deçà de ce que représentaient en 2007, non seulement de Bové mais aussi de Besancenot et, dans une moindre mesure, de Buffet. Ce serait la porte ouverte au confusionnisme politique sous prétexte d'unité, et il faut être au clair sur les options politiques et programmatiques du PG et de Mélenchon


 

2- Des désaccords programmatiques non négligeables


Mélenchon et le PG représentent un courant de la gauche de transformation écologique et sociale qu'il n'y a rien d'insultant à considérer qu'il est le moins radical sur le plan programmatique et stratégique à gauche de la gauche : réformiste au sens premier du terme et réellement antilibéral, nullement anticapitaliste et révolutionnaire, national-républicain avec une intégration modeste mais réelle de l'écologie, mais pour autant ni alternatif (au sens de rouge et vert, autogestionnaire et féministe) ni altermondialiste.
 Sur ce point, la proximité affichée avec les processus de changement en cours en Amérique Latine ne peut faire oublier les propos des trois dernières années sur la Chine et le Tibet, sur le Caucase ou encore sur le Gabon et le déni de l'existence de la "Françafrique" ou de la dimension anti-coloniale de la lutte du LKP en Guadeloupe, curieusement réduite dans la grille de lecture de Mélenchon à l'expression de simples revendications sociales. 


Mélenchon peut-il incarner la  soif de dignité, la résistance à la répression que les classes dominantes cherchent à exercer sur les "nouvelles classes dangereuses" et l'opposition à une politique systématiquement discriminatoire qui infériorise et stigmatise français-e-s d'origine étrangère et étrangers, alors qu'il s'en tient au logiciel républicain dans sa version nationale autant que sociale ? Peut-il défendre une politique qui rompt avec l'islamophobie et cesse de considérer les français issus de l'immigration comme des colonisés de l'intérieur, alors qu'il est si discret sur ces sujets ? Est-il en mesure de faire éclater l'imposture qui se cache derrière le débat sur la laïcité - thème qui va être martelé à la fois par Sarkozy et par le Front National pour ressusciter les vieux démons de l'identité nationale - alors que lui-même semble prisonnier d'une version de la laïcité qui emprunte plus à la république bourgeoise qu'au mouvement ouvrier ?  


Une fois de plus, ces divergences, auxquelles s'ajoute celle qui porte sur les langues et cultures régionales,
 ne sont pas un obstacle au débat et à l'action commune, ni même à une construction électorale commune dans le cadre d'un large rassemblement. Mais ces divergences sont importantes : elles ne portent pas sur des questions secondaires. Or, un rassemblement n'est possible que si son expression électorale trouve son point d'équilibre : celui-ci ne peut correspondre à un courant et un candidat avec lesquels la gauche alternative et le NPA ont des désaccords programmatiques et stratégiques majeurs (et de manière symétrique, parce que son orientation relève davantage de l'extrême-gauche classique que d'une gauche alternative, le NPA ne pourrait pas davantage prétendre représenter ce rassemblement, même s'il est moins éloigné de la gauche alternative, sur le plan programmatique et stratégique, que ne l'est le PG).


Mélenchon qui, dans son discours de Novembre 2010 au congrès du PG ne se démarque pas du traité de Lisbonne - il utilise l'expression inquiétante "respect de la parole de la France" - saura t-il mettre en avant le thème de la réduction du temps de travail, à la fois arme de lutte contre le chômage et composante essentielle d'une société du temps libre et de la satisfaction de besoins sociaux non marchands ? Ne risque t-il pas de se contenter d'une critique abstraite du libre-échange alors qu'un coup d'arrêt aux délocalisations supposerait une remise en cause radicale de la liberté de mouvement des capitaux et, pour le Sud, des mesures de protection de l'agriculture vivrière et des pratiques de solidarité incompatibles avec les politiques néo-libérales mises en oeuvre par l'Union Européenne Sur ces points et de manière générale sur les questions économiques et sociales, force est de constater que le propos de Mélenchon est peu convaincant.


3 - Un désaccord stratégique préoccupant


Il existe par ailleurs un autre clivage important, de type stratégique, avec le PG : celui de son rapport au PS et accessoirement à EELV

Un positionnement vis-à-vis du PS et d'EE non dépourvu d'ambiguïté. Les cantonales elles-même ont permis de constater un nombre non négligeable d'alliances , soit entre PG et PS ou EELV, soit entre le FdG et les mêmes. Plus inquiétant encore, il faut se rappeler qu'à la veille d'un récent scrutin, Mélenchon avait lancé un surprenant appel du pied à Europe Ecologie, semblant accorder au résultat électoral une place prédominante et sacrifiant son propre socle de convictions. Cette attitude laisse présager des accommodements avec le PS dans la perspective du second tour de la présidentielle et, dans la perspective des élections législatives avec le PS et EELV.


 

4  - Faire de la politique autrement !

 

Mais plus fondamentalement, c'est le rapport à l'institution qui est la divergence stratégique majeure entre la gauche alternative (et tout autant le NPA) d'une part, et le PG d'autre part

Comment s'en étonner ? Le champion du PG, dont le parti au fonctionnement pyramidal est constitué au service de son projet de candidature présidentielle, est un candidat issu du système. Politicien professionnel, sénateur et ex-ministre de la gauche plurielle (dont le bilan ministériel n'a en rien exprimé une alternative à la politique de la gauche plurielle), Mélenchon ne s'en cache pas : son modèle reste Mitterrand.

Un style et une pratique politique à l'opposé de ce que nous sommes : la mise en avant personnalisée, par un parti construit autour d'un chef à l'ancienne, d'un tribun III° République, d'un personnage peu sensible à la culture politique issu du féminisme, aux exigences de pratiques politiques innovantes, du travail en équipe... etc

Le slogan de « révolution par les urnes », totalement démenti par les révolutions tunisienne et égyptienne, continue à être celui du PG et de Mélenchon. C'est la traduction d'une orientation réformiste et du primat des élections dans la vie politique comme elle est aujourd'hui, mais y compris pour l'avenir

De ce point de vue, il faut être attentif au propos tenu il y a peu par Mélenchon disant à propos de la situation égyptienne qu'en tant que militant ou citoyen il aurait lui-aussi, comme tant d'autres, exigé la démission de Moubarak en janvier dernier, mais qu'en tant que président il aurait été hors de question qu'il le fasse et qu'il aurait, à la place de Sarkozy, désavoué Jeannette Bougrab à la suite de ses déclarations...

C'est bien le signe d'une intégration complète de sa part de la « raison d'Etat » et de la « realpolitique »... qui sont exactement les caractéristiques de la V° République !

Mélenchon ne peut pas incarner la nécessité de faire de la politique autrement, l'aspiration croissante, notamment dans la jeunesse, à la démocratie active, la déprofessionnalisation de l'activité politique devenue une nécessité programmatique pour être crédible et pas seulement un supplément d'âme pour la frange la plus radicale

Cet élément n'est pas secondaire. Faire de la politique autrement, c'est l'un des éléments de réponse à la crise de la politique et de sa représentation, dont l'abstention et le vote d'extrême-droite aux élections cantonales, révèlent la gravité et la profondeur 

 La candidature Mélenchon ne peut donc représenter la gauche alternative.  Issue de "l'aile droite" de la gauche de transformation sociale et écologiste, elle ne peut être son point d'équilibre et laisse un large espace à une ou plusieurs candidatures issues de l'extrême-gauche  


Voilà en quoi la candidature de Mélenchon pose problème et en quoi elle n'est pas une candidature de rassemblement, alors que celui-ci est plus nécessaire que jamais


Reste à réfléchir aux modalités précises d'organisation d'un tel rassemblement et donc à proposer une méthode permettant de le construire et de faire désigner par ce rassemblement une équipe pluraliste dont le candidat ne serait que le ou la porte-parole

La gauche alternative est précisément au point d'équilibre de ce rassemblement et peut travailler à l'hypothèse de candidatures qui ne soient pas issues du système et qui puissent aussi avoir du sens pour les équipes associatives, syndicales, altermondialistes, désireuses de s'exprimer aussi sur le terrain politique, comme nous avions pu le faire aux élections présidentielles de 2007 

La gauche alternative doit donc prendre ses responsabilités : il n'y a maintenant plus de temps à perdre !

 

Bruno Della Sudda, militant des Alternatifs et de la FASE

Guy Giani, militant des Alternatifs

 

Nice, le 31 mars 2011

Tag(s) : #Opinions - Idées
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