Le procès fait au doyen de la faculté de la Manouba à Tunis entre dans le cadre d'un conflit qui a commencé en novembre 2011 entre un petit groupe d'étudiants salafistes et la direction de la faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba. Ce petit groupe de salafistes a tenté d'imposer ses vues et a demandé, outre la mise à disposition d'une salle réservée à la prière, la possibilité pour les étudiantes de porter le niqab (voile intégral) pendant les cours et les examens, ce qui a été rejeté par le Conseil scientifique de la Manouba, ainsi que par de nombreuses autres universités. Le 6 mars dernier, deux étudiantes intégralement voilées ont agressé H. Kazdaghli dans son bureau. Il a porté plainte. L'une de ces étudiantes prétendant avoir été « agressée » par le doyen, accusation totalement fantaisiste, a porté plainte à son tour. Le procès qui devait avoir lieu le 5 juillet, a été maintes fois reporté à la demande du parquet, la plainte ayant été requalifiée « en acte de violence commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions », ce qui fait que H. Kazdaghli risque 5 ans de prison. Le procès a eu lieu le 3 janvier, le verdict sera connu sous quinzaine.
Ce qui est en jeu dans ce procès, ce n'est pas seulement son issue judiciaire. L'appel du parquet, signe de soutien à la mouvance salafiste, montre que le gouvernement islamiste de Ennahada s'est impliqué dans ce procès. La faculté de la Manouba a toujours été une faculté ouverte où les enseignants-chercheurs n'ont jamais accepté les dictats du pouvoir, que ce soit celui de Ben Ali ou le pouvoir actuel. Ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement le cas personnel du doyen, c'est la liberté de l'Université tunisienne. La Tunisie vit actuellement une épreuve de force -dans l'Université comme dans la société toute entière- entre les tenants d'une conception de l'enseignement universitaire ouverte, scientifique et progressiste et les tenants d'une conception fermée, dogmatique et réactionnaire, reflet du conflit entre deux conceptions opposées du pouvoir. Le doyen, qui déclarait récemment que son procès était « une vaine tentative de mettre à genoux les universitaires et de miner le fonctionnement démocratique de l'Université », a bien résumé le problème.
Les Alternatifs, qui avaient accueilli le doyen Kazdaghli lors de leur université d'été en août dernier à Méaudre (Vercors), lui apportent leur soutien ainsi qu'à tous les progressistes de l'Université tunisienne.
Le 4 janvier 2013