Cet article a été publié dans PicOdent n°5 (décembre 2010), journal des Alternatifs de l'Ardèche et la Drôme
La crise financière amorcée au cours de l’été 2007 a engendré depuis deux années la crise économique la plus importante depuis 1929. Les conséquences sur l’emploi sont très importantes en France et en Rhône-Alpes (2e région économique). Mais du fait de la structure économique de notre région, qui est loin d’être homogène, les effets sont contrastés. C’est dans les zones d’emploi où le chômage est le plus faible (nord et nord-est) que la progression du nombre d’emplois a été la plus forte. Cependant, les taux de chômage les plus élevés se situent toujours dans le sud de la région où ils continuent de s’aggraver.
En Ardèche et dans la Drôme, l’indicateur des mouvements d’inscriptions et de sorties du chômage (taux de rotation) reste nettement inférieur à la moyenne régionale. Les risques d’enracinement dans le chômage de longue ou de très longue durée sont plus élevés que dans l’ensemble de la région. Le taux de sortie pour retour à l’emploi déclaré y est inférieur de près de quatre points à la moyenne régionale. Les données impliquent une analyse plus précise du fait de la diversité des zones d’emploi au sein même de ces deux départements.
Ardèche : Déclin de l’emploi industriel, forte précarité
et chômage de longue durée
Entre le troisième trimestre 2007 et le second trimestre 2010, l’emploi a reculé de 11,7 % dans l’industrie et de 1, 6 % dans la construction. Il s’est stabilisé dans le commerce avec + 0,1 % et a progressé de 2,6 % dans les services (données brutes)[1].
L’activité industrielle ne représente plus que 29 % des emplois (DB) contre 39,9 % dix ans plus tôt. Le département a perdu plus de 4 150 emplois industriels (dont la moitié dans le textile) depuis 2004, il enregistre une baisse à un rythme de 4,1 % par an (données CVS)[2]. La perte d’emploi dans ce secteur s’élève même à 5 500 depuis 2000. Le nord de l’Ardèche est particulièrement touché même si la baisse des effectifs de ce secteur n’affecte pas que cette zone géographique, notamment avec les plans sociaux prévus à Lejaby et Payen.
La progression du secteur tertiaire (+2,8 %) et la stabilisation des effectifs dans la construction, observée depuis 2004, n’entraînent pas une évolution rapide de l’emploi alors que la population active augmente. L’Ardèche compte 59 950 emplois salariés (dont 43 000 dans les établissements de plus de 10 salarié-e-s), un niveau d’effectif correspondant à celui du milieu de l’année 2007. La crise aura affecté l’emploi de manière durable dans ce département.
Le nombre de demandeurs d’emploi recensés par Pôle emploi dans les catégories ABC s’élevait à 19 913 fin septembre 2010, en hausse de 6,3 % sur un an. Ce chiffre a progressé de 7,4 % chez les femmes et le taux de demandeurs d’emploi de longue durée (+ d’1 an) représente 54,6 %. La progression des demandeurs d’emploi atteint même 7,1 % sur un an en Ardèche méridionale.
En septembre 2010, les entrées au chômage résultaient à 50,4 % de fins de contrats à durée déterminée et de missions intérim. On observait une baisse des licenciements économiques par rapport aux années 2008 et 2009 mais une augmentation des fins de missions de courtes durées. Les sorties officielles du chômage pour reprise d’activités ne représentaient que 29,5 % contre un peu plus de 40 % pour cessations d’inscriptions pour défaut d’actualisation et les radiations administratives (sources Pôle emploi)[3].
Selon un rapport[4]sur les mouvements de main d’œuvre des établissements d’au moins 10 salarié-e-s, les CDD et CDI et transferts représentaient respectivement 88,6 %, 9,2 % et 1,9 % des entrées contre 81,3 %, 15 % et 3 % en Rhône-Alpes. En Ardèche méridionale, le caractère saisonnier de l’emploi aggrave encore cette situation puisque le CDD, les CDI et les transferts représentent respectivement 94 %, 5,3 % et 0,5 % (record régional) et les fins de CDD (88,6 %) étaient nettement supérieurs aux données de Pôle emploi. La zone d’emploi d’Aubenas détenait le record régional de taux de chômage avec 13,3 % contre 9,3 % pour Annonay.
Drôme : Hausse importante du chômage et activité
de plus en plus dépendante du tertiaire
Entre le troisième trimestre 2007 et le second trimestre 2010, l’emploi a reculé de 6,4 % dans l’industrie, il a légèrement progressé dans le commerce avec + 1,1 % et de 3,6 % dans les services (données brutes). Le secteur industriel représente 24,9 % des emplois (DB) mais la Drôme a perdu plus de 2 250 emplois industriels depuis 2004 à un rythme de 1,4 % par an (données CVS).
L’évolution annuelle atteint +3,2 % dans le secteur tertiaire (10 000 emploi créés depuis 2004) mais les effectifs dans la construction affichent une évolution négative (– 2,1 %) depuis 2007. La Drôme compte 131 500 emplois salariés, l’augmentation est largement imputable à la croissance du secteur tertiaire.
Le nombre de demandeurs d’emploi recensés par Pôle emploi dans les catégories ABC s’élevait à 33 690 fin septembre 2010, en hausse de 7,4 % sur un an. Il a progressé de 7,2 % chez les femmes et le taux de demandeurs d’emploi de longue durée (+ d’1 an) représente 53,45 %. La progression des demandeurs d’emploi atteignait 9,1 % sur un an dans la Vallée de la Drôme et 7 % dans le Sud Drôme.
En septembre 2010, les entrées au chômage résultaient à 40 % de fins de contrats à durée déterminée et de missions intérim. On observait une baisse des licenciements économiques par rapport aux années 2008 et 2009 (-42,8 %). Les sorties officielles du chômage pour reprise d’activités ne représentaient que 29 % contre un peu plus de 44 % pour cessations d’inscriptions pour défaut d’actualisation et les radiations administratives (sources Pôle emploi).
En 2009[5], les mouvements de main d’œuvre des établissements d’au moins 10 salarié-e-s, les CDD et CDI et transferts représentaient respectivement 84,1 %, 12,4 % et 3 % dans la Drôme. La zone d’emploi Crest-Die détenait le record de précarité puisque les CDD, les CDI et les transferts représentaient respectivement 88,6 %, 10,9 % et 0,5 % et les fins de CDD (76,7 %). Le taux de chômage oscillait entre 9,6 % (Drôme-Ardèche Nord) et 11 ,7 % (Drôme-Ardèche sud)[6], il n’a cessé de progresser depuis mars 2008.
Les deux départements du sud de la région cumulent de nombreux handicaps et il existe des disparités importantes entre les zones d’emploi. La concentration de l’activité se renforce au nord et dans le couloir rhodanien. Le déclin industriel est fortement marqué en Ardèche qui a perdu deux fois plus d’emplois industriels que la Drôme où la population active est deux fois supérieure. Le secteur tertiaire reste faible (59,5 %) et peu créateur d’emplois en Ardèche alors qu’il est le moteur de l’activité dans la Drôme (65,3 %). Mais la précarité et la flexibilité de l’emploi ne cessent de s’accroître dans les deux départements quels que soient les secteurs d’activité.
Depuis le début de la crise, le chômage s’est accru plus vite dans les bassins plus industrialisés mais se résorbera plus vite qu’au sud, et particulièrement qu’en Ardèche méridionale et en Drôme provençale. Ces deux territoires détiennent les taux les plus élevés de chômeurs, de demandeurs d’emploi de longue durée et de bénéficiaires du RSA, en outre les taux d’activité féminins y sont les plus faibles de Rhône-Alpes. L’activité touristique, tant vantée par les responsables politiques et les chambres consulaires, ne peut constituer le seul levier économique car elle a surtout pour effets de renforcer la concentration de richesses au bénéfice de quelques privilégiés et l’exclusion et la précarité pour le plus grand nombre.
La crise capitaliste est loin d’être terminée et les destructions d’emploi vont se poursuivre dans les prochains mois. Les délocalisations industrielles affectent également nos territoires. La récupération de certaines entreprises par les travailleur-se-s devrait être portée avec plus d’acuité et la réduction du temps de travail remise à l’ordre du jour par la gauche de transformation sociale et les organisations syndicales.
[1] Données brutes : Statistiques des établissements de 10 salariés et plus.
[2] Corrigées des variations saisonnières : Emploi salarié toutes tailles d’établissements confondus.
[3] Il convient d’attribuer une forte relativité aux chiffres communiqués mensuellement par Pôle emploi qui s’appuient sur les déclarations des demandeur-se-s d’emploi et qui ne reflètent que partiellement la situation de l’emploi quand on sait qu’entre 25 et 30 % des travailleur-se-s sont privé-e-s d’emploi ou subissent une très forte précarité.
[4] Rapport DIRRECTE-Pôle emploi, Zones sensibles, N°1, Juin 2010. Les données utilisées sont de 2009.
[5] Idem
[6] Zones emploi INSEE.