PARIS, 2 avr 2010 (AFP)
Pour la première fois, des membres du collectif antipublicité des "déboulonneurs" poursuivis pour avoir "barbouillé" des panneaux publicitaires ont été relaxés vendredi par le tribunal
correctionnel de Paris au nom de la "liberté d'expression".
"C'est une révolution", a lancé après la lecture du jugement Yvan Gradis, 51 ans, écrivain et "barbouilleur" récidiviste, en annonçant un "moratoire" des opérations de barbouillage des panneaux
publicitaires.
"Nous allons, dans l'heure, informer le pouvoir et la classe politique, la parole est à eux", a-t-il ajouté. "Si les politiques ne bougent pas", a poursuivi le militant, "ce sera la preuve
absolue que les mafias publicitaires ont gangrené la société".
Les "déboulonneurs", qui prônent la "désobéissance civile" contre la publicité envahissante, considèrent que plus d'un tiers du million de panneaux publicitaires implantés sur le territoire
français ne respectent pas la loi de 1979 sur la publicité extérieure et les enseignes, dont ils demandent aussi le durcissement.
Ils en appellent en particulier à la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, qui reconnaissait le 17 juin dernier la nécessité de "remettre la publicité à sa place".
"Nous attendons la tenue d'un débat qui ne soit pas une mascarade", a ajouté M. Gradis, qui dit se battre depuis 29 ans contre la publicité et "barbouiller" depuis 2001.
Lors de ses précédents procès - celui-ci était le 12e en quatre ans - ce collectif n'avait jamais obtenu mieux qu'une condamnation à un euro symbolique, a-t-il rappelé.
La 13e chambre du tribunal correctionnel avait cette fois à juger du barbouillage de cinq panneaux publicitaires sur les Champs-Elysées le 26 janvier 2008, sur lesquels les militants avaient
écrit à la peinture rouge et noire des slogans tels que "stop à la propagande" ou "trop de pub".
En apposant leurs "messages" sur les panneaux commerciaux, les militants n'ont pas commis de "dégradation", mais ont exercé leur "liberté d'expression" qui "ne saurait constituer une infraction",
a estimé dans son jugement le président du tribunal, Olivier Géron.
A l'audience, qui s'était tenue le 19 mars, des amendes avaient été requises: 3.000 euros contre Yvan Gradis, et 300 euros contre Athur Lutz, 29 ans. Six autres militants du collectif, qui
n'étaient pas poursuivis au départ, s'étaient présentés au tribunal comme "comparants volontaires", mais le ministère public avaient requis pour eux la relaxe.
A l'audience, l'avocat du collectif, Me William Bourdon, avait vilipendé les politiques qui depuis des années, ne tiennent pas "leurs promesses" et cèdent aux "lobbies de l'affichage". Citant
Bernanos - "il faut beaucoup d'indisciplinés pour faire un peuple libre" - il avait demandé au président de relaxer tous les prévenus, pas des "délinquants", mais
des "dissidents".
Le parquet n'a pas fait savoir immédiatement s'il comptait faire appel.
"Cela m'étonnerait, ce serait nous faire trop de publicité", a commenté Yvan Gradis.